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Islande, épisode 19 : Askja, un petit bout du monde

  • Pierre Crançon
  • 20 mai 2017
  • 6 min de lecture

Askja, c'est une caldeira volcanique située aux confins du désert de l'Ódáðahraun, le plus grand désert froid d'Islande. Un lieu mythique pour tous ceux (et j'en fais partie) qui ont lu et relu dans leur enfance les récits des expéditions en Islande de Maurice et Katia Kraft.

Askja, ça se mérite un peu. C'est 100 km de pistes en plein désert dans des paysages fabuleux sous le regard hiératique de Sa Majesté Herðubreið, la "Reine des Montagnes".

Alors, en route ???

Quitter la route

Plusieurs itinéraires sont possibles pour se rendre à Askja, plus ou moins compliqués, mais nécessitant toujours l'emploi d'un véhicule tout-terrain agréé "F-roads" (et c'est parfaitement justifié).

Si l'on excepte l'accès par le sud via la F910 (l'une des pistes les plus difficiles d'Islande, et pas toujours ouverte), deux accès sont possible par le nord :

- par la F88 (l'Öskjuleið), la plus difficile, notamment au niveau du gué de la Lindaá. Cette piste est parfois fermée, et de toutes façons interdite aux véhicules de location ..

- par la F905 puis la F910, solution la plus simple et la plus roulante : il n'y a que 3 gués relativement peu profonds à passer (attention toutefois aux conditions météo et à la fonte des neiges). C'est cette solution que nous avons retenu.

La route 901 vers Möðrudalur (.. comme toujours, cliquez sur les photos pour agrandir !)

Il faut quitter la route 1 à Þjóðvegur, et prendre la route 901, roulante, vers le sud et Möðrudalur. Les paysages sont encore verts mais deviennent rapidement sauvages.

Dernière escale à Möðrudalur

Möðrudalur, c'est un petit hameau insolite constitué de quelques fermes et d'une église, le plus isolé d'Islande. Il faut noter que ce petit hameau renferme un restaurant et surtout la dernière station d'essence avant d'entrer dans le désert de l'Ódáðahraun. Un petit complément de réservoir est donc le bienvenu pour affronter en toute tranquillité les 200 km A/R de piste qui nous attendent.

La ferme-restaurant, d'architecture traditionnelle en tourbe.

Möðrudalur, c'est un peu la station essence de la Dernière Chance .....

Il faut d'ailleurs trouver les pompes, qui sont bien cachées à l'abri des rigueurs du climat ..

Möðrudalur, c'est aussi la dernière station "touristique" avant le désert et la route d'Askja. Le terminus des bus de touristes, du moins les bus classiques non 4x4, qui viennent profiter de ce lieu insolite et retiré, mais qui n'iront pas plus loin sur les pistes. Il faut dire que ce petit hameau ne manque pas de charme ....

Tourisme oblige ... les attractions sont au rendez-vous. Ici, le restaurateur a pris sous son aile deux jeunes renards polaires dont la tanière est non loin de la ferme. Je m'amuse plus à photographier l'assemblée de photographes que cette scène de nourrissage ..

On a roulé sur la Lune

C'est en quittant Möðrudalur que les choses sérieuses commencent. Nous laissons rapidement la route 901 pour prendre la F905 filant plein sud, dans un décor de plus en plus minéral.

La piste devient moins roulante, les paysages de plus en plus ouverts et grandioses ..

.. nous entrons progressivement dans l'Ódáðahraun, le « désert de lave des criminels », car la légende prétend que des bannis s'y seraient enfuis et cachés.

.. on a roulé sur la Lune ...

.. pas étonnant si la NASA s'est intéressé à cet endroit pour y tester les modules destinés à explorer les surfaces rocailleuses de la Lune..

Louvoyer entre les coulées de lave

La piste F905 s'enfonce toujours plus loin dans le désert. Les kilomètres passent et le paysage se modifie subtilement, devenant plus volcanique.

De belles coulées massives et prismées, en chenaux, apparaissent dans le paysage, recoupés par le tracé des rivières ..

La piste louvoie entre les coulées de lave .. entre passages sableux et franchissement de seuils rocheux où les blocs de lave coupants n'épargnent pas les pneus des imprudents ..

.. sous le regard de la seigneurie le volcan Herðubreið, de plus en plus présent dans le paysage, mais dont le sommet demeure (comme souvent) obstinément caché dans les nuages.

Le ton est donné .. il y aura vraisemblablement quelques difficultés techniques qui nous attendent ;o))

Nous arrivons à la Jökulsá á Fjöllum, une grosse rivière glaciaire venant du glacier Vatnajökull, dont le débit est gonflé par la fonte des neiges.

J'imagine mal franchir à gué ce torrent furieux ..

Heureusement, un pont (le seul du parcours) permet d'éviter l'obstacle. Il marque également le passage de la piste F905 vers la piste F910, dans un décors de nouveau en train de changer..

Le pont sur la Jokulsà. Une petite vidéo donne une mesure plus exacte du phénomène ;-)

Dans un désert d'or ..

L'arrivée sur la F910 marque l'entrée dans la zone sous l'influence de l'activité volcanique de la caldeira d'Askja. Le plus frappant est la fine pellicule de ponces rhyolitiques blanches et dorées issues de l'éruption de 1875 du cratère Viti, marquant le début de l'histoire du système volcanique d'Askja. Cette pellicule de ponces et téphras recouvre tout le paysage, et lui donnant un aspect irréel de désert d'or.

Terre de contrastes ...

Voyage dans un désert de ponces ..

Le sentiment d'isolement se fait de plus en plus fort.

La piste serpente sans fin dans les dépôts de téphra. Le jour commence à décliner doucement. L'arrivée est proche.

Dreki, ou le bout du monde

Avec la nuit nous arrivons enfin au bout du monde : le camping de Dreki (la gorge du dragon).

Nous y sommes enfin ! Il était temps .. j'avais un peu les yeux qui se croisent à force de rester concentré sur la piste.

Dreki est une petite oasis humaine dans un monde minéral. Il y a tout de même un petit brin de monde dans ce coin retiré ;-)

Le camping se réduit à une portion de terrain plat derrière la petite maison d'hôte. Plus à droite, le poste de secours ..

La pause, enfin ! ;o)

J'installe le van pour la nuit, puis c'est la désormais traditionnelle assiette de nouilles chinoises dans les 3 m² de notre loft mobile ...

En arrière du camping s'ouvre la gorge du Dragon, parcourue par une courte randonnée s'arrêtant sur une jolie cascade.

La Caldeira d'Askja

Le lendemain, il reste 8 km de piste à parcourir pour atteindre le bout de la route et le parking au départ de la randonnée menant au lac Öskjuvatn au coeur de la caldeira. La piste serpente entre les coulées de lave récentes dont certaines ont moins de 50 ans.

C'est un univers froid, rude. A droite comme à gauche, laves cordée, en boyaux, ou bien coulées scoriacées, le tout de couleur variable.

L'arrivée au parking est surréaliste après avoir passé tant de kilomètres à rouler en plein désert ..

Là, c'est 4x4land .. le coin où tous les 4x4 du pays se sont donnés rendez-vous ;-) .. on change de planète !!

.. tout ça sous le regard bienveillant de l'Herðubreið, qui nous domine. Mais là, vous avez vu ?? on voit enfin le sommet !!!!!!

La courte et agréable randonnée menant au cratère du Viti (2 km de plat ..) traverse les dépôts volcaniques issus du Viti et des alignements de cratères environnants ..

Nous progressons dans un monde aux couleurs changeantes, passant du noir profond au rouge vif, sans oublier les superbes poncées dorées qui rehaussent encore les reliefs environnants.

Les reliefs s'accentuent progressivement, les couleurs reprennent leur dominante mordorée à mesure que l'on s'approche des points centraux de la caldeira à l'origine des émissions de téphra de 1875 ..

Puis presque sans s'annoncer, le cratère du Viti apparait et un paysage à couper le souffle se dévoile enfin ..

Au premier plan, c'est la petit cratère de maar du Viti, rempli par un petit lac aux eaux laiteuses, chargées en soufre et en colloïdes de silice.

La température du lac est de 27°C, car il est réchauffé par la zone de fumerolles situé sur sa rive nord-est : l'occasion d'une baignade dans un décors unique .. à condition de trouver le bon chemin pour atteindre le bord du lac, et de déjouer les nombreuses plaques inclinées de boue glissante qui ont tendance changer le chemin en toboggan fou ..

Nous ne résisterons pas au plaisir d'un bain prolongé. En mettant la tête sous l'eau, on entend gronder les bulles de gaz des fumerolles. Un peu l'impression de sentir battre le coeur du volcan ;-)

Au deuxième plan, c'est le lac Öskjuvatn, aux eaux bleues, coeur de la caldeira d'Askja. Sa profondeur maximale est de 220 mètres, ce qui en fait le second lac le plus profond d'Islande.

En fin de journée, le temps se découvre enfin et la caldeira s'inonde de soleil. Les couleurs explosent, les reliefs se rehaussent .. j'avais attendu ce moment magique depuis tant d'années !!

Ce sera pour moi l'un des souvenirs les plus forts de ce périple islandais (avec Kerlingarfjöll..).

Et surtout, la réalité était à la hauteur du mythe ;-))

 
 
 
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